Croissance sexuelle et image corporelle

Publié par Nadia Elmabrouk le

Page miroir de « l’Identité de genre », Société canadienne de pédiatrie (SCP).

Contexte: À la suite de notre lettre ouverte, la SCP a modifié légèrement sa page initiale. Notamment, « sexe assigné à la naissance » est devenu « sexe constaté à la naissance », une correction importante que nous saluons. Cependant, le vocabulaire reste très idéologiquement orienté. Dans ce contexte, nous avons pris l’initiative d’écrire ce texte qui reprend les mêmes éléments que la page de la SCP, répond aux mêmes questions et a le même soucis de favoriser un développement sain de l’identité sexuelle de l’enfant, et ce sans faire appel au vocabulaire non-scientifique de l’« identité de genre ».
Nous nous sommes inspirés de l’unité du même nom dans le programme d’Éducation à la sexualité.

On associe souvent à la puberté et à l’adolescence le développement d’une identité sexuelle, mais l’enfant commence bien plus tôt à se forger une image de son corps et des rôles associés aux filles et aux garçons.

Le présent document traite du développement typique de l’image corporelle et de la croissance sexuelle des enfants et de la manière dont les parents et les personnes qui s’occupent d’eux peuvent promouvoir un sain développement de leur identité sexuelle et une image corporelle positive. Il est important de se rappeler que chaque enfant est unique et peut se développer à un rythme différent.

Sexe et genre : deux mots à ne pas confondre

Le sexe réfère aux caractéristiques biologiques de la personne : les gamètes, les chromosomes, les organes sexuels, etc. L’espèce humaine comporte deux sexes : le mâle et la femelle, l’homme et la femme. À la naissance, ou même lorsque le bébé est encore dans le ventre de sa mère, le médecin constate le sexe du bébé en fonction de ses organes sexuels. Le sexe n’est donc pas assigné, mais bien constaté à la naissance. Dans de très rares cas (1 naissance sur 1 500 ou 2 000), l’enfant est intersexe, c’est-à-dire porteur de caractéristiques des deux sexes, et le sexe peut ne pas être constaté avec certitude. Mais cela ne remet pas en cause le fait que l’espèce humaine est bisexuée, et que le sexe est constaté.

Le genre : C’est l’ensemble des normes, rôles et stéréotypes qui sont associés aux deux sexes dans une société donnée, et à une époque donnée. Il relève des conventions sociales, et de ce qu’on entend par « féminité » ou « masculinité ». Par exemple, les filles aiment les poupées, elles mettent des robes, les femmes se maquillent ; les garçons aiment les camions, ils ont les cheveux courts, ils ne pleurent pas, etc. Le genre varie d’une société à l’autre, d’une époque à l’autre. C’est pourquoi on dit que le genre est un construit social.

L’identité de genre est une notion à dimension politique popularisée par les sciences humaines selon laquelle c’est le sentiment intime d’être une « femme » ou un « homme » (ou ni l’un ni l’autre) qui détermine l’appartenance à une catégorie, sans égard au sexe de la personne. Contrairement au sexe qui est binaire, l’identité de genre, ou plutôt la perception que chacun a de lui-même, est propre à chaque individu et est susceptible de changer dans le temps.

L’expression de genre est un néologisme qui désigne la façon qu’a une personne de se présenter en public, et d’exprimer son « identité de genre » : comportement, tenue vestimentaire, coupe de cheveux, etc. Selon le degré d’adhésion aux normes sociales, on parlera de personnes plus ou moins « féminines » ou « masculines ». Le degré d’adhésion aux normes sociales est variable selon les individus.

Orientation sexuelle : Correspond au sexe (opposé au sien ou le même que le sien), vers lequel une personne éprouve des attirances au plan sexuel ou émotionnel.

Transgenre : Se dit d’une personne qui se sent en inadéquation avec son sexe biologique, ou qui refuse son sexe biologique. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette réalité vécue par certaines personnes, dont la dysphorie du genre mentionnée plus bas. Par ailleurs, la mouvance de l’idéologie du genre, non appuyée scientifiquement, qui prend de plus en plus de place dans notre société, propage la croyance que le sexe serait une notion subjective liée à un ressenti, que l’on pourrait choisir de changer, ou alors que l’on peut être « né dans le mauvais corps ». Nous mettons en garde contre la profusion de documents idéologiques qui circulent sur le web et qui peuvent conditionner certains jeunes à identifier leur mal-être comme un signe qu’ils seraient Trans. Nous insistons, dans le présent document, sur l’importance d’aider l’enfant et le jeune à développer une image positive de son corps, d’en être fier et d’en prendre soin.

Dysphorie de genre : Diagnostic de santé mentale [1] qui «implique une divergence importante entre le sexe anatomique d’une personne et son sentiment profond et persistent d’appartenir à un genre masculin, féminin, mixte, neutre ou autre (identité sexuelle). Ce sentiment de divergence est responsable d’une souffrance importante pour la personne ou nuit considérablement à sa capacité à fonctionner. Le transsexualisme représente la forme la plus extrême de dysphorie de genre.»

Comment l’enfant développe-t-il son identité sexuelle ?

Voici ce à quoi on peut typiquement s’attendre selon l’âge.

  • 2 à 3 ans
    • Vers l’âge de 2 ans, les enfants constatent les différences entre les garçons et les filles.
    • Ils sont curieux à l’égard de leur corps et des différences avec le corps des autres.
  • 4 à 5 ans
    • À l’âge de 4 ans, les enfants ont une conscience bien établie de leur sexe comme d’une réalité permanente liée à leur anatomie, et développent leur identité et leur personnalité en conséquence.
    • En grandissant, les enfants prennent de plus en plus conscience des attentes de genre ou des stéréotypes. Par exemple, ils peuvent penser que certains jouets ne sont que pour les garçons ou pour les filles.
    • Il arrive que les enfants adoptent très fortement les attitudes et comportements qu’ils associent au féminin et au masculin. Par exemple, certains enfants peuvent vivre une phase au cours de laquelle ils insistent pour porter une robe tous les jours tandis que d’autres refusent d’en porter même lors d’une occasion spéciale.
  • 6 à 7 ans [2]
    • Les enfants reconnaissent les attributs et les activités socialement associés aux filles et aux garçons (sports, tâches scolaires, activités, métiers) et dirigent leurs activités et leurs champs d’intérêt vers ceux qui sont socialement attribués à leur sexe. Par exemple, les garçons et les filles continuent de préférer des jouets différents dans les premières années scolaires.
    • Ils ont de la difficulté à reconnaître les variations individuelles de la féminité et de la masculinité et n’ont pas le développement cognitif leur permettant d’être critiques sur le caractère stéréotypé de leur propre comportement.
    • Les enfants qui ne correspondent pas aux stéréotypes associés à leur sexe peuvent ressentir une pression pour se conformer. Ils peuvent également être victimes de railleries, être ridiculisés, voire rejetés par les autres enfants et ils sont plus susceptibles d’être victime d’intimidation.
  • 8 ans et plus [3]
    • Les préadolescents et les adolescents continuent de développer leur identité sexuelle par une réflexion personnelle et l’apport de leur environnement. Différents agents de socialisation (famille, amis, adultes significatifs, médias, etc.) fournissent des repères, stéréotypés ou non, quant aux rôles sexuels socialement associés aux garçons et aux filles. Ces repères influencent les enfants dans ce qu’ils considèrent comme approprié pour les genres féminin et masculin quant à l’apparence, les attitudes et les conduites et participent à la construction de leur identité sexuelle.
    • Les relations avec les pairs peuvent subtilement ou explicitement affecter l’image corporelle des adolescents. Le désir d’acceptation, de reconnaissance et l’appartenance sont importants pour les adolescents à cette période de leur vie.
    • Pour certains, la puberté aura un impact positif sur leur image corporelle. Ils seront satisfaits de leur apparence et enthousiastes à l’idée de grandir. Ce serait le cas de 51 % des filles et des garçons qui se disent satisfaits de leur apparence. Pour d’autres, ces changements seront plus difficiles à vivre : sentiment d’insatisfaction, de colère, et autres difficultés psychologiques comme la diminution de l’estime de soi et du bien-être. Les préoccupations liées à l’apparence peuvent aussi amener des sentiments d’infériorité.
    • Pour certains jeunes, les sentiments à l’égard de leur corps peuvent être contradictoires ou fluctuants. Les adolescents ont notamment comme tâche développementale d’accepter et de s’adapter aux transformations de leur corps. Ainsi, les adolescents doivent accepter que leur corps d’enfant fait place à celui d’un adolescent et se demandent à quoi leur corps va ressembler au terme de ces changements. L’adolescence est donc une période critique pour l’image corporelle qui peut être influencée positivement, négativement ou, à tout le moins, être déstabilisée par ces changements.

Comment la plupart des enfants expriment-ils leur identité sexuelle ?

Les jeunes enfants s’affirment, de façon différente, en s’identifiant plus ou moins fortement aux stéréotypes qui sont associés, dans leur famille, leur entourage et à l’école, à la féminité ou à la masculinité. Cela se manifeste dans :

  • leur tenue vestimentaire ou leur coupe de cheveux;
  • leur choix de jouets, de jeux et de sports;
  • leurs relations sociales.

Malheureusement, les stéréotypes de genre contribuent souvent à diviser plutôt qu’à rallier les garçons et les filles qui sont, pourtant, plus semblables que différents. En plus de limiter le potentiel de développement et d’expression des enfants, l’exposition répétée aux stéréotypes sexuels contribue à l’adoption d’attitudes et de croyances sexistes qui, à leur tour, nuisent à l’établissement de rapports harmonieux entre eux.

De plus, en raison du contexte social actuel et de la pression de l’idéologie pro-genre, les jeunes qui ne se sentent pas d’attirance pour les stéréotypes associés à leur sexe (jouer à la poupée pour une fille, aux jeux de construction pour les garçons, etc.) peuvent penser qu’ils sont en réalité de l’autre sexe. Il faut plutôt prendre le temps d’expliquer aux jeunes que chacun d’entre eux est différent, que chaque personne a ses goûts, ses champs d’intérêt et ses préférences, et que ceux-ci ne devraient pas être influencés ou limités par les stéréotypes associés aux filles et aux garçons.

Rappel : Être fille ou garçon est une réalité biologique objective qui n’a rien à voir avec les stéréotypes de genre.

Mon petit garçon aime porter des robes. Devrais-je le laisser faire ?

Certains enfants vivent une phase au cours de laquelle ils résistent aux attentes de leurs parents, de leur famille et de la société concernant les normes sociales liées au genre féminin et masculin. Cette phase fait partie du développement normal d’un enfant, qui expérimente la réaction de ses parents, de son entourage et développe sa propre personnalité.

Souvenez-vous qu’il est important d’encourager les enfants à développer leurs goûts, leurs champs d’intérêt et leurs préférences, sans égard aux stéréotypes associés aux filles et aux garçons. Lorsque les modèles autour d’eux sont flexibles et non stéréotypés, la gamme des façons de s’exprimer est considérablement élargie, et l’enfant a moins tendance à vouloir s’identifier par rapport aux stéréotypes de genre.

Les enfants se portent mieux lorsque leurs parents ou que les personnes qui s’occupent d’eux leur montrent qu’ils les aiment tels qu’ils sont. Un enfant qu’on cherche à empêcher d’exprimer sa façon d’être peut ressentir de la honte. Donnez-lui votre soutien inconditionnel. Ce faisant, vous évitez de lui imposer des stéréotypes, et vous l’acceptez dans son identité et ses sentiments profonds.

Pour la plupart des enfants, il s’agit d’une phase qui permet de se forger son identité propre et sa personnalité à travers ses expériences.

Ce dont les enfants ont le plus besoin, c’est de savoir que vous les aimerez et les accepterez pendant qu’ils cherchent à trouver leur place dans le monde. Vous pouvez préparer les enfants plus âgés aux réactions négatives possibles des autres enfants, par exemple en faisant des jeux de rôle pour leur montrer comment répondre aux moqueries avec confiance.

Que signifie le terme non-conformité de genre ?

Il désigne une personne qui ne se conforme pas aux normes sociales liées à son sexe. Or, chaque personne adhère plus ou moins à ces normes sociales, et il est bien rare qu’une personne réponde exactement à l’image stéréotypée que l’on se fait de l’homme ou de la femme. N’oublions pas que les attentes de la société envers le genre changent et varient constamment en fonction des cultures et des époques.

D’ailleurs, ce terme « non-conformité de genre » est à éviter lorsqu’on s’adresse aux enfants, car il n’y a pas lieu de mettre de la pression pour qu’un enfant se conforme à des stéréotypes de genre. Au contraire, il devrait être encouragé à exprimer sa personnalité comme il l’entend, qu’il soit fille ou garçon, sans se voir accoler une étiquette « d’enfant créatif du genre » en raison de ses préférences ou de ses goûts vestimentaires.

Les stéréotypes de rôles sexuels peuvent limiter l’expression et nuire aux relations. Ils sont également une grande source d’inégalités entre les sexes. D’ailleurs, les luttes féministes dans les sociétés occidentales ont beaucoup contribué à décloisonner les rôles stéréotypés associés aux deux sexes, par exemple que les femmes seraient trop émotives pour occuper des postes de responsabilités, ou que les hommes ne seraient pas assez sensibles pour s’occuper des enfants en bas âge, etc. Ce dépassement de certains stéréotypes sexuels a été la source d’un grand progrès social pour les femmes et les hommes.

Il se pourrait que mon enfant soit transgenre. Que dois-je faire ?

Attention aux ressources pseudo-éducatives, en réalité produites par des militants de l’idéologie du genre, qui laissent entendre qu’un jeune « non conforme à son genre » pourrait être « né dans le mauvais corps ». De telles conceptions qui ne sont pas de l’ordre de la science mais plutôt d’un certain mysticisme et d’un jugement de valeur sur le corps, représentent un risque d’endoctrinement pour les jeunes. En particulier, dans les dernières années, les médecins ont observé une recrudescence alarmante de jeunes filles se disant transgenres (1 000 % d’augmentation en 6 ans au Royaume-Uni). Ce phénomène connu sous le nom de « Rapid‑Onset Gender Dysphoria », pourrait être causé par une certaine contagion sociale, notamment par les pairs. Il est à noter que la contagion par les pairs est un phénomène documenté qui joue un rôle dans le cas des troubles de l’alimentation comme l’anorexie. En réalité, une grande partie des jeunes qui se disent transgenres se révèlent être homosexuels à la fin de l’adolescence ou à l’âge adulte.

Si votre enfant ne présente aucun trouble de santé mentale et qu’il est simplement attiré par les comportements généralement associés à l’autre sexe, par exemple votre garçon qui aime jouer avec des poupées ou votre fille qui joue avec des camions, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Votre enfant pourrait simplement être dans une phase d’exploration. Si vous vous inquiétez de sa santé mentale ou émotionnelle ou que vous soupçonnez qu’il souffre de dysphorie du genre, consultez votre médecin de famille, son pédiatre ou un professionnel de la santé mentale au fait de la dysphorie du genre, qui s’inscrit dans une approche exploratoire.

Comment puis-je soutenir mon enfant ?

Un solide soutien des parents est essentiel !

  • Aimez votre enfant tel qu’il est, qu’importe ses choix d’activités et ses champs d’intérêt.
  • Évitez de renforcer les stéréotypes sexuels véhiculés par la société en acceptant l’expression des émotions tant chez les garçons que les filles, en donnant accès aux mêmes jeux et jouets à tous les enfants, en apprenant à vos enfants à ne pas rire ou ridiculiser les autres qui s’expriment ou n’agissent pas en fonction des stéréotypes sexuels.
  • Posez des questions ! C’est une excellente façon de connaître les inquiétudes de votre enfant par rapport à son développement ou à son identité sexuelle.
  • Lisez des livres avec votre enfant sur les luttes féministes contre les stéréotypes de genre qui ont mené à plus d’égalité et à moins de barrières entre les hommes et les femmes.
  • Ne forcez pas votre enfant à changer ce qu’il est.
  • Apprenez à votre enfant à ne pas confondre « sexe » et « genre » et mettez-le en garde contre les sites web et autres ressources, aux contenus non scientifiques qui véhiculent de fausses idées relativement à l’identité de genre.
  • Demandez aux enseignants de votre enfant comment ils transmettent la matière liée au programme d’Éducation à la sexualité, et assurez-vous qu’ils prônent une approche qui favorise une image corporelle positive basée sur une perception juste du corps permettant d’en connaitre les habilités et les limites, de l’aimer et d’en prendre soin.
  • Sachez qu’un enfant préoccupé par le développement de son corps et par son identité sexuelle peut démontrer des signes de dépression, d’anxiété et de manque de concentration. Il peut même refuser d’aller à l’école. L’image que l’on se fait de son corps et l’appréciation qu’on en a à l’adolescence peuvent être affectées à la puberté en raison de nombreux changements que le corps vit en peu de temps. Certains adolescents vivront des sentiments positifs à l’égard de ces changements, d’autres seront plus mitigés. Cela varie d’une personne à l’autre. Soutenez votre adolescent et expliquez-lui qu’il vit une phase normale de son développement.
  • Soyez conscient des épreuves que votre enfant peut subir. Dites-lui que vous voulez être informé s’il est victime d’intimidation ou de menaces. Faites-lui prendre conscience également que quand on a une image corporelle positive, on est plus en mesure réagir positivement par rapport aux messages reçus.
  • Si vous vous inquiétez de la santé émotionnelle de votre enfant, parlez-en à son médecin de famille, à son pédiatre ou à un professionnel de la santé mentale spécialisé dans la dysphorie du genre, , qui s’inscrit dans une approche exploratoire.

[1] Définition dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-V).

[2] Tiré de l’unité « Identité, rôles, stéréotypes sexuels et normes sociales », 1ère année du primaire; Programme d’Éducation à la sexualité, Québec.

[3] Tiré de l’unité « Identité, rôles, stéréotypes sexuels et normes sociales », 1ère année du primaire, et de l’unité « Croissance sexuelle humaine et image corporelle », 1ère année du secondaire; Programme d’Éducation à la sexualité, Québec.

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